Pr Gilles DEVOUASSOUX

Publication Commentée

Asthme et allergie : facteurs de risque de tendances suicidaires chez les jeunes adultes ?

Vargas PA, Robles E. Asthma and allergy as risk factors for suicidal behavior among young adults. J Am Coll Health 2018: 1-16.

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Le contexte

La dépression est un problème multifactoriel de santé mentale caractérisé par une perte d’affect positif avec des symptômes persistants tels qu’un manque de soins personnels, une faible concentration, de l’anxiété et une perte d’intérêt pour les activités quotidiennes. Si la proportion de personnes souffrant de dépression semble augmenter ces dernières années, soulignons que les femmes sont 1,5 à 3 fois plus susceptibles de rapporter des symptômes dépressifs que les hommes. Notons également que les jeunes adultes sont particulièrement vulnérables, puisque les individus de la tranche d’âge 18-29 ans sont les plus à risque de souffrir de dépression sur une période de 12 mois. Par ailleurs, la dépression constitue le facteur de risque le plus important pour les tendances suicidaires, avec un risque de suicide multiplié par 15 chez les patients souffrant de dépression. Dernièrement, notamment aux USA, le taux de suicide a fortement augmenté pour devenir la 2e cause de mortalité chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. L’identification de tous les facteurs de risque susceptibles de contribuer à la prévention d’un tel acte est donc primordiale. À ce titre, la plupart des théories sur le comportement suicidaire proposent des modèles diathèse-stress dans lesquels des facteurs biologiques, sociaux, environnementaux et psychologiques prédisposent une personne au suicide, tandis que des évènements stressants de la vie interagissent avec de tels facteurs pour augmenter le risque. Ainsi, selon ces modèles, les principaux paramètres associés au risque suicidaire sont les facteurs de stress interpersonnels, une maladie chronique, les troubles du sommeil et l’insomnie ainsi que la dépression concomitante. Cette étude avait donc pour objectifs d’explorer les relations entre ces différentes comorbidités et d’identifier d’éventuels facteurs de risque dûs à l’évolution du mode de vie actuel.

Pr Gilles DEVOUASSOUX

Pneumologue (Hôpital de la Croix Rousse - Hospices Civils de Lyon)

Les données

Au cours des dernières décennies, l’évolution de la société et du mode de vie a profondément modifié la nature même de l’adolescence et du début de la vie adulte aux USA.  Ainsi, l’omniprésence d’internet et des réseaux sociaux, certains comportements à risque lors de la période universitaire (consommation d’alcool et des substances psychoactives) ou la faible qualité de l’accès aux soins sont clairement identifiés comme des facteurs de risque de dépression et de suicide qui influencent la qualité de vie et le bien-être des jeunes adultes. Toutefois, peu de travaux ont étudié l’interaction de ces facteurs et leurs liens de causalité potentiels.

Pour pallier ce manque de données, une équipe de chercheurs a réalisé, entre octobre 2015 et avril 2017, un sondage en ligne auprès de 929 étudiants d’une grande université du sud-ouest américain. Des questionnaires validés ont permis d’identifier 2 groupes de variables : le groupe « facteurs prédictifs » (asthme, allergie, stress, consommation de tabac, d’alcool, et dépendance à internet) et le groupe « résultats » (douleur, inconfort, qualité du sommeil, dépression et tendances suicidaires). Des analyses de corrélation et de régression ont ensuite été effectuées pour évaluer les relations entre ces différentes variables. 

Voici les principaux résultats qui ressortent de ces analyses :

  • Les maladies allergiques (asthme, rhinite, dermatite) sont directement liées à la douleur et à l’inconfort
  • La douleur et l’inconfort sont associés à un manque de sommeil, à la dépression et aux tendances suicidaires
  • La qualité du sommeil est affectée par le stress
  • La qualité du sommeil, le stress, la douleur, l’inconfort et la dépendance à internet sont directement liés à la dépression
  • Ainsi, les tendances suicidaires sont influencées par le stress, la douleur, l’inconfort, la dépression et indirectement par la qualité du sommeil

Ces résultats suggèrent que les maladies allergiques ne sont pas une cause principale d’augmentation des comportements suicidaires ; les analyses réalisées au cours de cette étude semblent indiquer que ces maladies pourraient exacerber d’autres facteurs de risque, tels que le stress, la douleur, l’inconfort, un sommeil de mauvaise qualité, la dépression et ainsi augmenter indirectement les tendances suicidaires.

Ce qu’il faut retenir

Il s’agit de la 1re étude identifiant des facteurs de risque impliqués dans la relation « maladies allergiques – tendances suicidaires ». Cette analyse, qui a permis de mettre en évidence une relation complexe entre une détresse psychologique (stress, dépression, comportements suicidaires) et une maladie allergique via l’implication de nombreux facteurs modulateurs, semble donc valider le modèle « diathèse-stress » mentionné ci-dessus.

Cependant, quelques limites apparaissent lors de l’interprétation de ces résultats (échantillon non-représentatif de la population des jeunes adultes, restriction aux maladies allergiques, étude basée sur l’auto-évaluation par questionnaire, sondage en ligne…).

Compte tenu de l’impact sanitaire du suicide, des travaux complémentaires restent à mener afin d’améliorer la compréhension des facteurs cliniques, sociaux et psychologiques impliqués, de faciliter la détection des personnes à risque et de promouvoir des actions de prévention.

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