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Ces dernières années, la fréquence des maladies allergiques ne cesse d’augmenter dans les pays industrialisés. Ainsi, le nombre des personnes atteintes d’allergies a pratiquement doublé en l’espace de 20 ans. Et cette augmentation ne semble pas près de s’arrêter, puisque l’Organisation Mondiale de la Santé prédit pour 2050 qu’un individu sur deux sera allergique1.
Bien que ces manifestations atopiques aient une part de génétique indéniable, cette dernière ne peut pas expliquer à elle seule cette augmentation aussi rapide de la prévalence. Ainsi, parmi les hypothèses les plus fréquemment avancées, on retrouve les nouvelles habitudes alimentaires, la pollution et le réchauffement climatique, ou encore l’excès d’hygiène. À ce titre, il semble important de souligner que certains aspects de la théorie hygiéniste méritent réflexion.
Développée en 1989 par David Strachan, cette hypothèse émet l’idée d’une corrélation entre la taille de la famille et le développement de manifestations allergiques2. Ainsi, une plus faible incidence d’infections dans la petite enfance transmises par des contacts avec des frères et sœurs plus âgés ou acquises après la naissance serait responsable de l’augmentation des allergies2, 3.
À l’inverse, la stimulation du système immunitaire par certaines bactéries pourrait jouer un rôle protecteur vis-à-vis des allergies. À ce titre, une étude publiée en 2017 dans la revue Microbiome met en évidence que les enfants vivant au contact d’un animal au cours des 1res années de leur vie seraient moins touchés par les maladies allergiques et auraient moins de risque de devenir obèses. L’objectif de ces travaux était de démontrer que la proximité de l’animal de compagnie (chien ou chat) avec le bébé favorisait chez ce dernier le développement de 2 bactéries intestinales bénéfiques pour sa santé. Pour arriver à ces résultats, l’étude a inclus 746 enfants nés entre 2009 et 2012 qui ont été suivis jusqu’au troisième mois de vie4. Et les conclusions ont en effet montré que les échantillons de selles de nourrissons vivant au contact d’un chat ou d’un chien renfermaient deux fois plus de bactéries Ruminococcus et Oscillospira, dont les effets sont connus pour réduire respectivement les risques d’allergie et d’obésité4.
Cependant, les bactéries ne sont pas les seuls éléments qui préservent l’organisme des maladies atopiques. Plusieurs études ont ainsi identifié que le mode de vie agricole, notamment le contact avec le bétail (bovins, porcs, volaille) et son alimentation (foin, grain, paille) contribuerait à réduire le risque d’asthme et d’allergie chez les enfants5. Une étude complémentaire a également mis en évidence que l’acide N-glycolylneuraminique, une molécule non-microbienne appartenant au groupe des acides sialiques et présente dans l’organisme de nombreux vertébrés dont les vaches, jouerait un rôle protecteur. Cette molécule, non synthétisée par l’homme, est intégrée par notre organisme au contact des animaux et en consommant des produits d’origine animale tels que le lait de vache non transformé5, 6.
Au XXe siècle, la recherche scientifique a connu de grandes avancées et la médecine est un des domaines qui a le plus bénéficié de ces progrès. Ainsi, la découverte des antibiotiques, vaccins et autres techniques de stérilisation a permis d’augmenter l’espérance de vie de la population.
Cependant, l’hypothèse hygiéniste utilisée pour expliquer l’explosion des allergies tend à être remplacée par une version plus moderne, la « théorie des vieux amis ». Au lieu de considérer que tous les microbes contribuent au bon développement du système immunitaire, cette théorie explicitée par Thomas Rook en 2003 soutient que seuls quelques microbes qui coévoluent avec nous depuis des millénaires, nos « vieux amis », nous sont indispensables7. De quoi ouvrir la voie à l’identification de nouvelles cibles et stratégies, telles que le microbiote, pour la prévention de l’asthme et des allergies.
Aline, suivie depuis l’âge de 5 ans pour un asthme très symptomatique. Les animaux domestiques sont présents depuis toujours au domicile familial.
Pr Gilles DEVOUASSOUX Lire PlusDe nos jours, l’asthme est la maladie chronique la plus répandue chez les enfants et constitue la principale cause d’hospitalisation et d’absentéisme scolaire à travers le monde.
Pr Gilles DEVOUASSOUX Lire PlusAnalyse statistique des conversations faites sur le Web.
Lire PlusDocument d’après les recommandations du GINA 1, du NIH 2 et de la SPLF 3
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